La France pour l'interdiction à terme la pêche du thon rouge

03/02/2010 15:36

La France se prononce pour l'interdiction du commerce international du thon rouge, une espèce menacée de disparition en Méditerranée, mais après un délai de 18 mois pour évaluer l'état de la ressource. Paris, vivement critiqué par l'association écologiste Greenpeace pour cette position qui reporte l'interdiction, pose en outre deux autres conditions, la poursuite de la pêche côtière artisanale destinée au marché intérieur et des garanties de l'Union européenne sur des aides à la reconversion.

La France prône, comme l'avait proposé Monaco, de protéger le thon rouge en l'inscrivant à l'annexe I de la Convention internationale sur les espèces sauvages (Cites), ce qui reviendrait à interdire sa commercialisation internationale, les pêcheurs restant libres d'en vendre sur leur marché national.

"La position française est de soutenir la proposition de Monaco d'inscription à l'annexe I de la Cites, la France souhaitant par ailleurs que l'application soit (différée) de 18 mois", a déclaré le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo.

Ce délai, a-t-il expliqué, permettra d'attendre les prochains avis scientifiques - en octobre 2010 et février 2011 - sur les stocks de cette espèce victime de la surexploitation.

La décision a été arbitrée mardi soir, le dossier faisant l'objet de divergences entre Jean-Louis Borloo, favorable à l'interdiction totale, et le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire, partisan d'une mesure moins radicale.

L'Italie s'était déjà engagée à soutenir la proposition d'interdiction mais la France, premier pays pêcheur avec 20% des captures déclarées, tardait à s'exprimer.

La position de Paris est déterminante pour la ligne que l'Union européenne défendra sur le plan international, l'Espagne et Malte étant d'autres pays européens importants sur ce sujet.

Un conseiller du gouvernement a expliqué que le moratoire sur l'interdiction débuterait le 25 mars, après la réunion de Doha (Qatar), où l'Assemblée générale des 175 Etats parties à la Cites doit se prononcer sur la prohibition de commercialisation.

"ABSURDE", SELON GREENPEACE

Greenpeace a vivement critiqué cette décision dans un communiqué qui souligne qu'il reste moins de 15% de la population de thon rouge en Méditerranée.

"On nous dit en substance : sauvons l'espèce, mais pas tout de suite !", estime François Chartier, chargé de campagne Océans. "Le délai demandé pour mettre en oeuvre l'interdiction du commerce international est absurde : cela revient à passer à l'action après la bataille pour la survie du thon rouge !".

Pour Greenpeace, un délai de 18 mois permet deux saisons de pêche aux termes desquelles il n'y aura plus de thon rouge.

"Le gouvernement achète ainsi la paix sociale avec les pêcheurs, dans une période d'élections régionales", ajoute l'organisation, qui avait redouté par avance cette position.

Le commerce du thon rouge concerne essentiellement les exportations de la Méditerranée et de l'Atlantique vers le Japon, où le "thunnus thynnus" est très prisé, pour les sushis notamment, et y atteint des prix astronomiques.

Les scientifiques estiment que l'espèce est mise en danger par la surexploitation. La Commission européenne a entamé à plusieurs reprises des procédures d'infraction contre les pays européens, dont la France, qui selon elle ne contrôlent pas suffisamment les captures de leurs pêcheurs.

Jean-Louis Borloo et le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, ont justifié les conditions françaises, notamment l'attente des avis scientifiques, par un souci de "légitimité" à l'égard des pêcheurs.

Environ 200 bateaux sont concernés par la pêche au thon, dont 28 voués à la pêche industrielle, qui compte environ 1.000 marins embarqués et autant d'emplois indirects.

"La possibilité de maintenir la pêche artisanale ne menace pas la ressource", a assuré Jean-Louis Borloo, soulignant qu'elle puisait seulement 10% du quota.

Une telle dérogation exigerait une modification du règlement européen permettant de poursuivre le commerce sur le marché intérieur.

Enfin, la France "demande que le Commission apporte le financement adapté, on veut des garanties communautaires de soutien financier", a insisté pour sa part Bruno Le Maire.

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